Fête de la Victoire
Pourquoi ne célèbre-t-on pas l'armistice ?
Fête de la Victoire, fiche technique (France) :
- date : 8 mai (date fixe)
- type de fête : civile
- fériée ? oui
- fêtée depuis : 1946
- célébrée : surtout en Europe, malgré des hommages de par le monde
Mai 1945
Loin de moi l'idée de vouloir reprendre toute la chronologie de la fin de la guerre. Cependant celle-ci va avoir une certaine influence sur le choix de la date du 8 mai, aussi, nous allons voir rapidement les points essentiels.
Le 23 mars 1945, le Rhin est franchi par les Alliés. De là, la progression est rapide et la fin de la guerre se profile. Elle semble inéluctable, même aux yeux d'Hitler, qui reconnaît auprès de quelques proches le 22 avril que la guerre est perdue.
La plupart des pays d'Europe sont définitivement libérés début mai. L'acharnement des combats se poursuit cependant dans la capitale allemande.
Hitler passe ses derniers jours dans son bunker, où il se suicide le 30 avril, quand les Alliés semblent sur le point d'atteindre son emplacement quelques heures plus tard.
La propagande continue cependant et Karl Dönitz, successeur à la tête de l'Allemagne nommé par Hitler, annonce le 1er mai à la radio que « notre Führer […] est tombé à son poste de commandement dans la chancellerie du Reich en combattant jusqu'à son dernier souffle contre le bolchevisme ».
Si la façade est préservée, l'amiral Dönitz sait toutefois qu'une défaite l'attend. Il dirige donc ses efforts vers une paix anticipée sur le front Ouest : il souhaite que les troupes allemandes se rendent aux Alliés occidentaux plutôt qu'aux Soviétiques.
Comme il le sait, les Alliés d'Occident respecteront probablement leur engagement de traiter les prisonniers allemands selon les conventions internationales.
Côté soviétique, en revanche, ceux qui ne seront pas tués seront déportés en Sibérie. Aussi, il poursuit les combats sur le front Est pour soustraire à l'emprise de l'Armée rouge autant de troupes que possible et rapatrier le maximum de population.
Dönitz envoie un général à Reims pour tenter une capitulation auprès des Alliés occidentaux uniquement. Ces derniers refusent : ils se sont mis d'accord sur une capitulation totale et inconditionnelle du gouvernement allemand avec l'Union Soviétique, surtout depuis la découverte des charniers des camps de concentration au mois d'avril.
Dönitz essuie un second refus le 6 mai, lorsqu'il envoie un autre général conclure une capitulation partielle.
Finalement, la reddition de l'armée allemande est signée à Reims (dans une salle de l'actuel lycée Roosevelt) le 7 mai 1945, à 2h41. L'acte signé est purement militaire : il se fait en présence de généraux américains, d'un général français et d'un général soviétique. Il est stipulé que les combats doivent cesser le 8 mai à 23h01.
Alors pourquoi célèbre-t-on la victoire le 8 mai ?
La signature du 7 mai 1945 à Reims fait entrer Staline dans une rage folle. Il exige une capitulation de l'Allemagne à Berlin, où les soldats de l'Armée rouge règnent en maîtres. Son exigence est honorée et une nouvelle signature a lieu dans la nuit du 8 au 9 mai, à 23h16 heure locale, soit 0h16 à l'heure russe.
Néanmoins, les combats continuent sur le front Est. La capitulation du 8 mai ne signe pas l'arrêt de la Seconde Guerre Mondiale.
Entre le Japon et les puissances occidentales, les combats se poursuivent jusqu'au 15 août 1945, quand le ministre des Affaires étrangères Mamoru Shigemitsu signe la reddition des forces japonaises, mettant définitivement fin aux combats de cette guerre. La capitulation officielle du Japon a lieu le 2 septembre de la même année.
Le 8 mai n'est donc pas un armistice, qui marque la fin réelle d'une guerre, mais bien la commémoration de la « capitulation sans condition »* de l'Allemagne nazie.
* une capitulation sans condition signifie, pour une ou plusieurs parties belligérantes, de renoncer à la poursuite du conflit et de se soumettre immédiatement aux forces ennemies sans aucune compensation, économique, territoriale, politique ou autre
Ce qui correspond malgré tout à la fin des combats sur le front Ouest de l'Europe, mais contrairement à la date du 11 novembre, le 8 mai ne célèbre pas un armistice.
Il n'y a d'ailleurs pas de véritable fête de l'armistice pour 1945, mais plutôt 2 commémorations bien séparées : celle de la capitulation sans condition en Europe, et celle des actes de capitulation du Japon.
Une différence bien marquée en anglais entre le V-E Day (Victory in Europe Day) et le V-J Day (Victory over Japan Day).
Férié ou non ?
Après 6 années de combats ou d'occupation, il nous semble évident qu'un jour férié s'imposait à la fin de la guerre, pour célébrer le retour de la paix.
Et pourtant… cela n'a pas exactement été le cas.
Le 7 mai 1946, une loi est votée en France, décrétant que le 8 mai de chaque année serait un jour de commémoration. Ou plus exactement, qu'il le serait si c'est un dimanche, sinon la commémoration aura lieu le dimanche qui suit le 8 mai.
Pas de temps chômé à perdre dans une Europe qui se reconstruit…
Dans les années qui suivent, la commémoration perd nettement de son importance et les associations d'anciens combattants réclament la reconnaissance du 8 mai comme jour férié. Des manifestations sont organisées.
Finalement, en 1953, le 8 mai est reconnu jour férié (mais non chômé) de commémoration en France.
Le président De Gaulle, dans un souci de réconciliation avec l'Allemagne, supprime ce caractère férié en 1959.
Valérie Giscard D'Estaing ira plus loin en supprimant tout bonnement la commémoration de la Victoire de 1945.
Il fallut attendre Mitterrand en 1981, pour que le 8 mai soit rétabli et déclaré comme jour férié (et chômé !).
célébrations du 8 mai
En France, la fête est commémorée dans la majorité des communes par les figures politiques en place et les associations d'anciens combattants.
Il est de coutume de déposer des gerbes de fleurs sur des emplacements liés à la Seconde Guerre Mondiale (mémoriaux, cimetières, places publiques, plaques en ville…).
A Paris, la grande célébration se tient traditionnellement à l'Arc de Triomphe, où l'on allume la flamme de la tombe du Soldat inconnu.
En Autriche, le festival de la Joie est organisé depuis 2013 et se tient sur l'Heldenplatz, en face du palais Hofburg à Vienne.
En Allemagne, contrairement à l'armistice de 1918 qui n'est pas (encore?) reconnu dans le calendrier, une commémoration prend place à Berlin le 8 mai pour célébrer la Résistance et la lutte contre le régime nazi. En 2020, une journée régionale eut lieu pour marquer le 75e anniversaire de la capitulation.
En Belgique, on se souvient en même temps des morts des deux guerres : depuis 1974, on honore les victimes de la Première et de la Seconde Guerre Mondiale le 11 novembre, jour de l'Armistice de 1918.
La date de commémoration varie d'ailleurs considérablement d'un pays d'Europe à l'autre, puisque certains pays célèbrent davantage la libération de leur territoire que la signature du 8 mai.
C'est le cas de la République Tchèque, du Danemark et des Pays-Bas, où la date du 5 mai semble prévaloir.
Dans l'Europe de l'est, c'est bien la capitulation sans conditions de l'Allemagne nazie qu'on commémore, mais à l'heure de Moscou : la signature ayant eu lieu à 0h16, c'est le 9 mai qui est reconnu comme Jour de la Victoire.
Côté asiatique, la Corée célèbre chaque année sa libération, le 15 août.
Le Japon lui-même commémore le 15 août, sous une appellation différente toutefois : le « Jour pour le deuil des morts à la guerre et de prière pour la paix ».
Chez les anglophones, on ne célèbre pas le V-J Day à la même date selon les pays : alors qu'on le fête le 15 août au Royaume-Uni, les Etats-Unis le commémorent au 2 septembre, jour de la cérémonie officielle de capitulation.
Écrire commentaire